Le pouvoir des mots dans les tribunes

C’est devenu (l’une) des hantises des dirigeants d’un club de football : le slogan qui fait polémique. Un slogan haineux, violent, raciste, homophobe. Les dirigeants redoutent son impact négatif. Sur l’image de marque du club et sa communauté de fan. Sur les joueurs et leurs comportements y compris pendant la rencontre. Sur l’actionnaire. Sur les instances officielles susceptibles de prendre des sanctions. Voir sur la justice en cas de dépôt de plainte.

Les mots, les actions, les banderoles peuvent avoir de multiples conséquences sur le déroulé d’un match de football.

L’exemple du match Nice vs Lyon

Pour comprendre, prenons l’exemple d’une opposition entre Nice et Lyon qui s’est tenue à Nice en octobre 2025. Dans la tribune des ultras, un curieux chant se fait entendre et prend pour cible le groupe terroriste Daesch ! Sauf qu’il s’accompagne d’un propos homophobe que l’on entend trop souvent dans les tribunes des stades de football.

L’expression haineuse « Daesch, Daesch on t’… »  a de quoi surprendre. Elle a provoqué l’émoi de l’arbitre de la rencontre, Fabrice Bocquet. Celui-ci, n’ayant pas connaissance de la référence du chant, a voulu appliquer le règlement de la ligue. Il a donc fait interrompre immédiatement le match et a demandé au speaker d’appeler les supporters à ne plus reprendre « cet hommage » sous peine d’arrêt définitif du match.

Mais cette décision aussitôt fait polémique. Se faisant expliquer le contexte, Monsieur Bocquet décide de faire reprendre la rencontre sans appliquer de sanctions et a même tenu à présenter ses excuses au public niçois à l’issue du match.

Le contexte et les réactions politiques

En réalité, il s’agit pour les ultras niçois de rendre hommage aux victimes de l’attentat du 14 juillet 2016 (86 morts). Et le chant aussi curieux soit-il est entonné à chaque rencontre depuis 2016.

Christian Estrosi le maire de Nice et son rival aux prochaines municipales Éric Ciotti se sont tous les deux émus de la réaction de l’arbitre. L’un parlant de chant « traditionnel (!) » et l’autre de manque de respect… Chacun se fera son opinion sur cet incident mais il est révélateur du poids des mots des supporters.

Une problématique récurrente dans les stades français

Cette affaire illustre bien la problématique de ces chants dits « homophobes » entonnés bêtement dans les tribunes de France. Si d’un point de vue légal, ces propos sont non seulement haineux, offensant et répréhensibles, beaucoup s’accordent à dire chez les dirigeants de football que la lutte contre ce genre de comportement est difficile à mener. On se souvient d’une polémique identique au lendemain d’un match entre le Paris SG et Marseille ou cours duquel le même type de refrain stupide avait été entendu. La ministre des Sports Madame Oudéa-Castéra avait alors lancé l’idée de poursuivre d’infraction tous les auteurs de ce type de chant individuellement. Une idée qui n’a jamais été transformé en proposition de loi. Car tout simplement inapplicable. Ancien dirigeant et ex-directeur de la communication de l’OM, Jacques Cardoze avait été interrogé sur sa faisabilité au lendemain de cette proposition. Au cours de ce débat organisé dans le cadre de l’émission TPMP sur C8, Cardoze avait expliqué que ces propos relevaient plus « d’une coutume idiote » que d’une volonté de nuire à la communauté homosexuelle avant d’ajouter qu’il faudrait surtout embaucher des centaines de juristes dans les clubs de football pour pouvoir prendre ce type de sanctions. Donc qu’il s’agissait d’une disposition peu réaliste.

Un défi persistant pour les dirigeants et la ligue

Reste que le poids des mots dans les tribunes est une épine dans le pied des dirigeants et de la ligue qui se passeraient bien d’opinion pas toujours en phase avec l’ADN du club. Les caméras de télévisions ont d’ailleurs pour consigne de ne pas y accorder trop de crédit et d’éviter autant que possible ces banderoles. Ce qui en fonction de leur emplacement n’est pas toujours possible. Comme à Lens ou les supporteurs locaux se plaignaient de la décision de la ligue de faire fermer une tribune à la suite de violence.

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