Quand Jacques Cardoze prête son gilet pare-balles à Thomas Sotto

La scène aurait pu se dérouler dans les couloirs d’une chaîne de télévision tant il faut parfois avoir le cuir bien épais pour essuyer les tirs de l’adversaire, mais cet événement a bel et bien eu lieu sur un véritable champ de bataille.

Nous sommes à l’été 2006. Un nouveau conflit éclate entre Israël et le Hezbollah libanais. Le 28 juillet, l’organisation terroriste libanaise soutenue par l’Iran enlève deux soldats israéliens. En représailles, l’État hébreu lance une série de bombardements qui s’étendent rapidement de Beyrouth au sud du Liban. Le pays est en état de siège, et les rédactions françaises envoient leurs reporters sur place.

Chez France Télévisions, Thierry Thuillier – futur directeur de l’information de TF1 – interrompt les vacances de Jacques Cardoze pour lui confier cette mission majeure. De son côté, Thomas Sotto est envoyé par BFMTV, chaîne encore jeune et peu rodée aux zones de guerre, avec des moyens légers, sans protection particulière.

Cardoze est quant à lui accompagné de Romain Potocki, un caméraman expérimenté, et de Sabine Albertelli, monteuse rompue aux conflits. Le preneur de son, lui, est resté à Beyrouth, ne souhaitant pas s’exposer dans le sud. France Télévisions, échaudée par des expériences passées, ne transige pas sur la sécurité : équipements complets et assurances strictes sont imposés.

Une salle de rédaction improvisée à Nabatiyeh

Chaque jour, les équipes doivent effectuer l’aller-retour entre Beyrouth, relativement épargnée, et les zones de combat dans le sud. Trois heures de route à travers les collines du Chouf, car l’autoroute est fréquemment la cible de l’armée israélienne. Chaque soir, Cardoze doit livrer un reportage de 4 à 5 minutes pour les journaux de France 2.

Pour se rapprocher de l’action et gagner en efficacité, l’équipe de France Télévisions décide de rester temporairement à Nabatiyeh, ville largement détruite mais dont le lycée français est miraculeusement intact. Il sera transformé en salle de presse improvisée, avec matériel vidéo, position satellite miniature, sacs de couchage et provisions. Une journaliste du Monde les y rejoindra.

C’est dans ce contexte que Thomas Sotto et Jacques Cardoze vont se rencontrer pour la première fois. Ils ne se connaissent pas. Sotto est alors un jeune reporter plein d’énergie, Cardoze un habitué des terrains complexes : Pakistan, Afghanistan, Irak, Gaza…

Un gilet pare-balles pour deux journalistes

Un matin, Thomas Sotto s’approche de Cardoze : il lui demande s’il peut lui prêter son gilet pare-balles pour deux heures, le temps d’aller filmer dans les rues dévastées de Nabatiyeh et de trouver une histoire à raconter. Sans hésiter, Cardoze accepte. Sur ces terrains, la solidarité entre journalistes est une évidence. Loin de l’ambiance souvent tendue des plateaux parisiens, ici chacun veille sur l’autre.

Grâce à ce prêt, Sotto peut s’aventurer dans les décombres encore fumants, où les tirs résonnent en plein jour. Une photo immortalisera cet instant, preuve tangible de cet esprit d’entraide dans l’adversité.

Une rencontre qui se prolonge dans le temps

Les années passent. En 2018, leurs chemins se croisent à nouveau : Jacques Cardoze succède à Thomas Sotto à la présentation de Complément d’enquête. Sotto, lui, s’apprête à devenir le joker de Laurent Delahousse pour les journaux du week-end.

Qui a dit que les journalistes étaient impitoyables entre eux ? C’est parfois vrai… sauf sur les terrains de guerre. Là, les gestes les plus simples prennent une autre dimension, et les relations humaines deviennent essentielles.

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