La Réunion veut transformer ses déchets en électricité avec l’intelligence artificielle

A l’heure où l’autonomie énergétique devient un enjeu de souveraineté, La Réunion s’engage dans une révolution verte qui pourrait bien servir de modèle. Son pari ? Transformer une partie de ses déchets en électricité grâce à un centre de tri ultra moderne et une unité de valorisation énergétique dernier cri. Derrière ce projet ambitieux, une promesse claire : détourner 240 000 tonnes de déchets de l’enfouissement et couvrir à terme 10 % des besoins électriques de l’île.

A Saint-Pierre, dans le sud de l’île, un trieur optique boosté à l’intelligence artificielle scannera les déchets, identifiera ceux qui peuvent être valorisés et optimisera leur potentiel énergétique. Le projet, porté par Eddy Lebon et le syndicat mixte de traitement des déchets Ileva, s’inscrit dans une démarche pensée il y a près d’une décennie. Avec un budget de 400 millions d’euros, il vise à remplacer les énergies fossiles par des combustibles solides de récupération (CSR), une alternative moins polluante au charbon et au gaz. Le point sur le sujet avec Jean Fixot de Chimirec !

Une île contrainte de repenser son mix énergétique

Depuis la loi de transition énergétique de 2015, les territoires ultramarins doivent progressivement se défaire des énergies fossiles importées. La Réunion, longtemps dépendante du fioul et du charbon, a déjà amorcé sa mue. EDF a remplacé le fioul lourd par du biodiesel dans sa centrale du Port, tandis qu’Albioma, qui couvre 40 % des besoins énergétiques de l’île, a troqué le charbon contre des pellets de bois et la bagasse, un résidu de canne à sucre.

Aujourd’hui, la Réunion tire 93 % de son électricité des énergies renouvelables. Mais un problème persiste : la dépendance aux importations. Chaque année, 750 000 tonnes de pellets de bois sont acheminées depuis l’Amérique du Nord, l’Europe ou le bassin indo-pacifique. Une situation intenable alors que la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) impose que 56 % des ressources utilisées en 2028 soient locales, et 100 % d’ici 2030.

Miser sur les ressources locales et diversifier les sources

Pour atteindre ces objectifs, la Réunion explore toutes les pistes. A Bois-Rouge, Albioma a inauguré une unité de biomasse locale capable de traiter 50 000 tonnes de matières organiques par an. Une installation similaire est prévue dans le sud, au Gol. Mais la filière est encore balbutiante et le manque de forêts sur l’île complique l’approvisionnement. Parallèlement, le développement du photovoltaïque, qui représente aujourd’hui 9,5 % de la production électrique, se poursuit, tout comme l’éolien et le biogaz. Cependant, les projets en cours ne devraient voir le jour que d’ici 10 à 15 ans, ce qui ralentit l’atteinte des objectifs fixés par la PPE.

Une transition qui prendra du temps

Si le projet de valorisation des déchets de Saint-Pierre représente une avancée majeure, il n’est qu’une pièce du puzzle. La route vers une autonomie énergétique complète est semée d’embûches, entre délais de mise en œuvre, structuration des filières locales et nécessité d’investissements massifs. Mais l’enjeu est de taille. En misant sur des solutions innovantes comme l’intelligence artificielle et la valorisation des déchets, La Réunion pourrait bien devenir un modèle pour d’autres territoires insulaires en quête d’indépendance énergétique. Reste à voir si la volonté politique et les financements suivront pour concrétiser cette ambition.

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