Commerçants indépendants, entre revenus en berne et heures à rallonge
Être commerçant indépendant en France, c’est souvent l’image d’un entrepreneur libre, maître de son destin, bâtissant son succès à la force du poignet. Mais la réalité, elle, est bien plus rude. Entre inflation, charges sociales écrasantes et horaires à rallonge, la plupart des commerçants se battent chaque jour pour maintenir leur activité à flot. La preuve en chiffres : une enquête menée entre septembre et novembre 2022 auprès de plusieurs centaines de professionnels du secteur montre que 60 % d’entre eux se versent un salaire brut mensuel inférieur à 1 500 €. Autrement dit, bien en dessous du salaire médian en France, estimé à 2 000 €, et même du SMIC, qui s’élève à 1 678,95 €. Et tout cela pour des semaines de travail qui dépassent largement les 35 heures. Un constat glaçant.
Des revenus qui fondent comme neige au soleil
Les commerçants indépendants, qu’ils soient boulangers, restaurateurs, coiffeurs, libraires ou encore fleuristes, voient leurs marges se réduire d’année en année. Depuis la crise sanitaire et la flambée des prix de l’énergie, c’est même devenu un vrai cauchemar. L’inflation a considérablement freiné la consommation, et avec des clients plus frileux sur leurs dépenses, difficile d’absorber l’explosion des coûts. Résultat : un tiers des commerçants affirme que leurs revenus ont chuté par rapport à l’avant-Covid, et 30 % estiment même qu’ils ont dégringolé de manière significative. Une double peine pour ceux qui ont déjà dû jongler avec des aides temporaires et des charges sociales reportées, qui reviennent aujourd’hui comme un boomerang.
Prenons le cas de Sandrine, gérante d’un salon de coiffure à Perpignan. Pour elle, le problème est simple : « On a tenu grâce aux aides pendant le Covid, mais maintenant tout est revenu d’un coup. Le SMIC a augmenté, les cotisations Urssaf décalées doivent être payées, et en plus, l’énergie nous coûte un bras. Comment on fait pour s’en sortir ? » Même son de cloche pour François, restaurateur à Montreuil, qui voit la fréquentation de son établissement fondre : « Les clients en centre-ville se font plus rares. L’inflation a tout changé. Avant, on venait manger sans trop regarder, maintenant, chaque addition est scrutée ».
Travailler plus pour gagner moins, le paradoxe des indépendants
Au-delà de la simple question des revenus, il y a une autre donnée qui fait mal : le nombre d’heures de travail abattu par ces commerçants. Si en France, la durée légale est de 35 heures par semaine, ce chiffre est une douce illusion pour les indépendants. 94 % d’entre eux affirment travailler bien plus, et pour 60 %, la charge dépasse même les 45 heures hebdomadaires. Pire, 10 % déclarent dépasser les 60 heures. Un dévouement sans faille qui laisse pourtant un goût amer, car en bout de course, les fins de mois restent compliquées.
Clément, restaurateur à Libourne, ne compte plus les heures passées dans son établissement. « Dans notre secteur, bosser plus de 60 heures par semaine, c’est la norme. Mais quand on se rend compte qu’on gagne à peine plus qu’un salarié payé au SMIC, ça pique ». Pour Gilles, gérant d’une boutique de prêt-à-porter à Paris, c’est encore un autre problème : « Je ne me suis jamais arrêté en 16 ans. Pas d’arrêt maladie, peu de vacances, les jours fériés, c’est pour ma pomme. À la fin du mois, je me verse 2 500 €, mais à raison de 50 heures par semaine, ce n’est pas glorieux ».
Des charges écrasantes, un système à bout de souffle
Un autre facteur qui pèse lourd dans la balance, ce sont les charges. Les cotisations sociales, en particulier, sont souvent pointées du doigt comme une véritable entrave à l’activité des commerçants. « On a l’impression de bosser pour payer les autres », lâche Sandrine, esthéticienne à Caen. « Je travaille comme une dingue et quand je vois ce qu’il me reste à la fin du mois, c’est à en décourager plus d’un ».
Pour beaucoup, les charges sociales et les loyers exorbitants sont des boulets qui rendent le métier de commerçant de plus en plus intenable. Ajoutez à cela les nouveaux défis imposés par le numérique, et l’équation devient presque impossible à résoudre. Valérie, à la tête d’un concept store à Strasbourg, explique ainsi qu’elle doit non seulement gérer sa boutique physique, mais aussi s’occuper de son site e-commerce, des commandes, des retours… « Il faudrait que j’embauche une personne à mi-temps, mais avec toutes les charges et la conjoncture actuelle, c’est juste impensable ».
Quel avenir pour les commerçants indépendants ?
Dans ce contexte tendu, l’avenir n’inspire pas forcément l’optimisme. La majorité des commerçants interrogés ne voient pas de réelle amélioration à court terme. La hausse continue des prix de l’énergie, l’évolution des modes de consommation (e-commerce, seconde main, livraison à domicile) et la désertification des centres-villes sont autant de facteurs qui rendent l’exercice encore plus périlleux. Et tous ces facteurs cumulés font que vendre son commerce devient parfois très compliqué. Heureusement des spécialistes comme Daici pourront proposer de nombreuses solutions pour les cédants, une très bonne nouvelle à notre avis.
Kevin, boulanger près de Marseille, est fataliste : « Tant que l’énergie coûtera aussi cher, il sera impossible de se projeter avec confiance ». Quant à Hachim, libraire à Rennes, il reconnaît que le métier a beaucoup changé : « Avant, c’était plus simple de faire du commerce. Maintenant, avec la concurrence des grandes plateformes et des nouveaux modes de consommation, il faut se réinventer constamment ».
Un métier de passion, mais à quel prix ?
Malgré ces vents contraires, nombre de commerçants restent attachés à leur métier. Mais ce qui devait être une aventure entrepreneuriale épanouissante devient parfois un combat de tous les jours. « On s’adapte, on se bat, on trouve des solutions, mais à quel prix ? » interroge Sandrine, gérante d’une épicerie à Biarritz. Et elle résume bien la situation : « Il faut vraiment être passionné pour tenir. Parce que si on regarde seulement le ratio temps passé/gain perçu, il y a de quoi se poser des questions ».
Face à ces constats, on peut se demander si le modèle du commerce indépendant, qui fait pourtant partie du tissu économique français, pourra encore tenir longtemps sans un vrai coup de pouce. Pour l’instant, la seule certitude, c’est que les commerçants, eux, n’ont pas fini de compter leurs heures…