Bilans d’aménagement, entre réalité comptable et vision politique

Aujourd’hui, la question posée par la rédaction de « Tous Urbains » nous interpelle : peut-on vraiment faire confiance aux bilans d’aménagement ? Depuis des années, beaucoup plaident pour une transparence totale des bilans d’aménagement, convaincu que leur élaboration relève autant de la politique, au sens le plus noble du terme, que de la comptabilité. Mais ces bilans ne sont pas que des tableaux de chiffres… ils façonnent notre perception du monde et influencent les décisions qui touchent la vie sociale et urbaine de millions de personnes. Ainsi, aborder les bilans d’aménagement nécessite de penser différemment, de sortir des sentiers battus tout en ouvrant cette fameuse boîte noire. Car comprendre un bilan, c’est aussi comprendre les visions du monde qui sous-tendent les politiques publiques. Le point sur le sujet avec Carlos de Matos du Groupe Saint-Germain !

Qu’est-ce qu’un bilan d’aménagement ?

Comprendre un bilan d’aménagement, c’est un peu comme décoder la boîte noire d’un avion après un vol. Sauf qu’ici, le vol, c’est le développement d’un projet d’urbanisme, et la boîte noire, c’est ce document qui recense toutes les dépenses et recettes prévues pour ce projet. Selon le Cerema, ce bilan est le véritable tableau de bord du projet, indispensable tant pour l’aménageur que pour la collectivité qui doit en maîtriser chaque détail.

Mais concrètement, qu’est-ce qu’un bilan d’aménagement influence ? D’abord, il permet de lancer l’opération. Pour une zone d’aménagement concerté, par exemple, il fait partie du dossier de réalisation et sert de feu vert pour démarrer les travaux. Ensuite, il fixe le cadre de la programmation : combien de logements, de bureaux, de commerces ou d’espaces verts verront le jour ? Quels seront leurs prix ? Qui habitera ces lieux ? Toutes ces questions trouvent leurs réponses dans ce bilan prévisionnel, qui équilibre les coûts et les bénéfices attendus jusqu’à la fin du projet.

Le bilan d’aménagement va même plus loin en influençant l’écriture urbaine du projet. Il définit la densité de la construction, balance entre lots bâtis et espaces publics, et décide même de la hauteur des immeubles. Ce n’est donc pas seulement un outil de gestion financière ; c’est un véritable instrument de création urbaine !

Ouvrir la boîte noire des bilans d’aménagement : un impératif démocratique

Pourquoi donc s’embêter à ouvrir la boîte noire des bilans d’aménagement, vous demandez-vous ? Eh bien parce qu’il en va de la gestion transparente et équitable des fonds publics, une ressource de plus en plus précieuse et scrutée, surtout après le « quoi qu’il en coûte » de la crise Covid. Chaque euro public dépensé dans un projet d’aménagement est un euro qui n’ira pas ailleurs, que ce soit dans les écoles, les infrastructures sportives ou les programmes sociaux. Et c’est là que le bât blesse.

Financer un projet d’aménagement par des subventions publiques n’est pas juste une décision administrative ; c’est un choix politique avec de vraies implications pour les habitants d’une commune, qu’ils soient présents aujourd’hui ou demain. Et ces décisions ne devraient pas être prises à la légère ni rester dans l’ombre. Nous vous le disions, les bilans d’aménagement ne sont pas de simples documents comptables… ils sont le théâtre de ce qu’on appelle une péréquation, une sorte de redistribution des cartes entre programmes profitables et moins profitables. Par exemple, le coût des logements sociaux peut être subventionné par les profits des logements neufs ou des bureaux dans certaines zones. Cela crée une dynamique où certains projets subventionnent d’autres, et où les décisions prises impactent directement la composition sociale et économique d’un quartier.

Ensuite, il y a la question de qui paie quoi. Si un parc est financé directement par la ZAC, ce sont les nouveaux résidents qui en paient le coût via le prix de leur logement. Si c’est la ville qui prend en charge, alors tous les contribuables partagent la note. C’est une question de solidarité urbaine, et ces choix façonnent le visage de nos villes.

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