Le guide pour créer une société à l’étranger tout en travaillant en France
Dans un contexte économique globalisé, de plus en plus d’entrepreneurs français choisissent de créer leur société à l’étranger tout en continuant à exercer leur activité depuis la France. Motivé par des considérations fiscales, stratégiques ou administratives, ce choix peut se révéler fructueux… à condition d’en maîtriser les rouages. Car entre la tentation de l’optimisation et le respect scrupuleux des obligations françaises, l’exercice réclame rigueur et anticipation. Décryptage avec Joris Dutel !
Est-il possible de créer une société à l’étranger en travaillant depuis la France ?
Oui, la loi n’interdit pas à un résident français de créer et gérer une entreprise à l’étranger. Toutefois, cette configuration ne dispense pas de respecter les règles fiscales et sociales françaises. Le lieu d’immatriculation ne fait pas tout : ce qui compte, notamment pour l’administration fiscale, c’est le siège effectif de la société, c’est-à-dire l’endroit depuis lequel les décisions stratégiques sont réellement prises. Si ce lieu est situé en France, alors la société peut être considérée comme domiciliée fiscalement sur le territoire français — avec toutes les conséquences que cela implique.
Autrement dit, même immatriculée à l’étranger, une société peut être imposable en France si son dirigeant y réside et y pilote effectivement l’activité. C’est pourquoi le respect des conventions fiscales bilatérales est crucial : elles permettent d’éviter une double imposition, mais exigent une lecture fine et une mise en œuvre rigoureuse.
Pourquoi créer une société à l’étranger en restant actif en France ?
L’argument fiscal arrive bien souvent en tête. Certains pays proposent des régimes plus favorables, avec une pression fiscale allégée sur les bénéfices, des taux réduits d’imposition sur les dividendes, ou encore des régimes spécifiques d’exonération temporaire pour les nouveaux investisseurs. Ces juridictions, parfois qualifiées de « pays à fiscalité attractive », séduisent les entrepreneurs désireux de maximiser la rentabilité de leur activité.
D’autres avantages sont d’ordre administratif. La création d’une société à l’étranger peut s’effectuer en quelques jours, avec des formalités allégées et des obligations comptables réduites. Ce gain de temps et de ressources permet à certains entrepreneurs de se concentrer sur leur développement commercial plutôt que sur la bureaucratie.
Enfin, l’implantation à l’étranger peut répondre à des objectifs de stratégie commerciale. Créer une société dans un pays tiers peut faciliter l’accès à de nouveaux marchés, rassurer des partenaires locaux, ou encore simplifier certaines opérations d’import-export.
Mais gare aux risques juridiques et fiscaux
Cette liberté apparente est encadrée. Travailler en France pour une société étrangère implique de respecter les obligations françaises en matière de fiscalité, de cotisations sociales, et parfois d’autorisations spécifiques selon les secteurs.
Le risque de double imposition est un piège classique. Même avec une convention fiscale, une mauvaise qualification des revenus (salaires, dividendes, bénéfices) ou un flou sur le siège effectif peut entraîner des redressements fiscaux. Quant aux cotisations sociales, elles doivent être versées là où l’activité est réellement exercée : en clair, un travailleur indépendant installé à Paris ne peut pas déclarer sa protection sociale dans un autre pays sans justification solide.
À cela s’ajoute la gestion administrative à double échelle, avec des règles parfois très différentes entre la France et le pays de domiciliation. La conformité juridique est donc un enjeu majeur, et le recours à un expert fiscal international est souvent indispensable.
Quels types de revenus et quel régime fiscal prévoir ?
Le type de revenus perçus — salaire, dividendes ou bénéfices — a un impact déterminant sur la fiscalité. En tant que résident fiscal français, l’entrepreneur est imposé en France sur l’ensemble de ses revenus mondiaux. Un salaire versé par la société étrangère sera donc soumis à l’impôt sur le revenu et aux cotisations sociales françaises, sauf dispositif particulier prévu par la convention bilatérale.
Les dividendes, eux, sont soumis à la flat tax française (30 %) mais peuvent également subir une retenue à la source dans le pays étranger. Il faut donc analyser précisément le traitement fiscal prévu dans les deux pays pour éviter toute taxation excessive.
Quant aux bénéfices tirés d’une activité indépendante, ils sont imposés comme des BIC ou BNC classiques en France. L’activité doit alors être déclarée comme telle auprès de l’administration française, avec toutes les obligations afférentes.