IA et territoires : le Sénat alerte sur le risque d’un nouveau fossé numérique
Alors que l’intelligence artificielle investit les services publics, notamment le Service Carte Grise, le Sénat appelle à une mobilisation urgente pour éviter que les territoires les plus fragiles ne soient sacrifiés sur l’autel de la modernisation.
Pas de fantasmes ni de rejet dogmatique : pour la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, l’IA est là, bien là, et il faut désormais l’apprivoiser plutôt que la subir. Dans un rapport dense et didactique signé par Pascale Gruny et Ghislaine Senée, le Sénat déroule une série de constats et de propositions pour que l’intelligence artificielle ne soit pas l’apanage des grandes métropoles, mais un levier partagé au service de tous les territoires. Et surtout, de ceux qui, jusqu’ici, n’ont pas eu les moyens de monter dans le train numérique.
Une fracture numérique qui s’accentue au détriment des petites collectivités
En filigrane, une mise en garde : l’IA peut creuser les inégalités autant qu’elle peut les résorber ! Et le basculement vers des services dématérialisés – à l’image des démarches de carte grise désormais opérées via des plateformes privées agréées – illustre déjà cette tendance à externaliser sans toujours garantir l’accessibilité pour tous. Des exemples concrets, le rapport n’en manque pas. A Plaisir, un chatbot a fait fondre le taux d’appels perdus comme neige au soleil. A Saint-Savin, la détection de fuites d’eau se fait désormais par prédiction algorithmique. A Nantes, l’optimisation des repas scolaires repose sur des anticipations millimétrées. Autant de démonstrations brillantes, mais concentrées dans des collectivités bien outillées. Les petites communes, elles, restent souvent spectatrices de cette révolution silencieuse.
Mutualiser les compétences pour éviter l’exclusion numérique
Pour y remédier, le Sénat appelle à créer des collectivités « cheffes de file », appuyées par l’Etat, capables de mutualiser les compétences et de porter des projets adaptés aux besoins du tissu local. Une logique de solidarité numérique qui passe aussi par des comités territoriaux de la donnée, moteurs d’un écosystème ouvert, transparent et tourné vers l’intérêt général. Et parce qu’il ne suffit pas d’implémenter l’IA pour qu’elle soit acceptée, le rapport insiste sur l’adhésion citoyenne, une condition sine qua non. A Montpellier, une convention citoyenne encadre déjà l’usage de ces technologies en instaurant des règles éthiques claires. Une démarche que le Sénat veut voir essaimer partout ailleurs.
Former, impliquer, sécuriser : les trois leviers de la confiance
La confiance, enfin, se construit aussi dans les rangs de ceux qui font vivre les services publics. Le rapport martèle la nécessité d’un effort massif de formation pour les agents et les élus. Non pas pour leur imposer l’IA, mais pour leur donner les clés de sa compréhension, et dissiper une peur sourde, celle de devenir inutiles. A l’heure où l’Etat confie toujours plus de services numériques à des intermédiaires privés, l’enjeu est de garantir que la modernisation ne devienne pas un luxe réservé à ceux qui savent déjà cliquer !